Le Christ n’a rien écrit. Maître de tradition orale, il était reconnu comme rabbin, avait son enseignement (l’Évangile) et des disciples. La Tradition orale, dans la vie des premiers chrétiens, a été cruciale et garde tout son sens de nos jours. La mémorisation de la Parole de Dieu produit un fruit unique pour chacun. On dit que l’on « rumine » la Parole. Peu à peu, elle surgit intérieurement à n’importe quel moment de la vie quotidienne comme une consolation, un remède ou encore comme un repère pour une vie plus chrétienne.
Jésus n’a jamais écrit
« Je fais appel à votre mémoire, afin de réveiller en vous une intelligence claire, pour que vous vous souveniez des paroles dites à l’avance par les saints prophètes, et du commandement de vos apôtres, qui est celui du Seigneur et du Sauveur » (2ème lettre de Saint Pierre Apôtre 3,1-2).
Il nous faut certes « garder les commandements », mais pour obéir à Jésus, il nous faut aussi garder Sa parole. Exactement, sans en changer un iota. Dans notre cœur mémoire elle reste alors disponible à chaque instant. Nous faisons alors l’expérience que cette parole nous protège, nous fortifie, nous nourrit et nous transforme tout en tissant entre nous de puissants liens fraternels. Quelques Frères de Saint-Jean sont rentrés dans cette pédagogie et sont devenus des « mémorisants ». Ils ont ainsi appris les textes bibliques par cœur ce qui leur permet de faire descendre la Parole progressivement dans leur « cœur-mémoire » dans des groupes de mémorisations qui travaillent à garder précisément les paroles du jeune rabbin Yeshoua de Nazareth. C’est un lieu de présence de Jésus, un lieu de rencontre très intime avec lui. Mémoriser c’est déjà une prière… Dieu nous parle ! Cet apprentissage de la Bible est une arme puissante : « Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu » (Éphésiens 6,17).
Un apprentissage seul ou à plusieurs en vue de la transmission
Tout en restant fidèles à leurs appartenances ecclésiales, les mémorisants scrutent cette Parole qu’ils vont « manger » car la table de la Parole prépare la table eucharistique. Ils s’imprègnent de la Parole pour mieux la comprendre et la mettre en pratique. Puis par la transmission, ils deviennent porte-paroles de Jésus.
La tradition signifie en latin à la fois « transmis » et « transmettre ». C’est le Père Marcel Jousse (1886-1961), prêtre jésuite qui a baigné dans la culture orale de son village paysan de la Sarthe, qui a retrouvé la force de la tradition orale juive. Sa mère, illettrée, lui a transmis son seul trésor, les évangiles du dimanche, qu’elle cantillait, en patois, de manière exacte en le berçant. Il en a été marqué à vie. Puis confronté à la pédagogie si différente de l’École Publique (devenue obligatoire), il s’est posé la question : Et Jésus, lui, comment faisait-il ? Le père Jousse, petit paysan sarthois, a passé sa vie à répondre à cette question, mettant en évidence le « style oral » de Jésus. Ses études ont souligné l’importance de la mémoire qui conduit à la croissance de l’intelligence humaine.
Dans son sillage, Anne et Bernard Frinking, de confession orthodoxe, créent en 1983 la Fraternité Saint-Marc : formation à la pédagogie orale où la gestuelle aussi a son importance. Cette fraternité organise des groupes de rencontres, stages et sessions depuis peu à l’abbaye Saint-Michel de Frigolet (Bouches-du-Rhône) comme dans tant d’autres lieux (abbaye de Cîteaux, Notre-Dame de Montligeon, Notre-Dame de Beauraing, les spiritains d’Allex, les sœurs de Marie-Immaculée à Marseille… ). Bernard, théologien et iconographe, a traduit l’Évangile de Marc que son épouse a cantillé sur les tons liturgiques grecs.
Témoignage
« Le fait de mémoriser met un groupe en communion : catholiques, protestants, orthodoxes. En mémorisant, on mange la même Parole ! On fait corps, on est du même Corps. En découvrant la Tradition orale, je me suis dit que j’avais trouvé la forme d’évangélisation qui me correspond. Missionnaire dans l’âme, ayant toujours « cultivé » ma foi, là je savais que transmettre la Parole de cette façon-là, avec cette « valise de catéchèse-là », répondait à plusieurs exigences : le respect de la Parole elle-même, le respect de la terre qu’est le cœur de chacun, la responsabilité de passer le flambeau ». Vatina
Et si vous releviez le défi en famille ? Frère Laurent, recteur du sanctuaire marial Notre-Dame de Miséricorde à Pellevoisin (Indre), mémorisant de longue date, a demandé à la Fraternité Saint-Marc de venir partager le trésor de la mémorisation. Du 1er au 7 août, aura lieu une session ouverte à tous et pensée pour les familles, pour goûter et accueillir l’Évangile selon la tradition orale des premiers chrétiens. Cette session vous est proposé en préparation de la fête de la Transfiguration.
En savoir plus sur les sessions de l’Abbaye Saint-Michel de Frigolet
En savoir plus sur la session de Pellevoisin (voir Flash info)
La foi chrétienne n’est pas une “religion du Livre”. Le christianisme est la religion de la “Parole” de Dieu, “non d’un verbe écrit et muet, mais du Verbe incarné et vivant. Saint Bernard